mardi 12 février 2013

Editorial du Monde Libertaire # 1697 du 14 Février au 6 Mars 2013

CHOKRI BELAÏD était un leader de gauche. Il est mort, la semaine dernière,
d’une crise de saturnisme foudroyante : quatre pastilles dans la carafe.
C’était en Tunisie, où il y a deux ans la «Révolution de jasmin » a
renversé le dictateur Ben Ali, avant de porter, par la voie démocratique
des urnes, un parti de bricoleurs islamistes au pouvoir.

Depuis, la crise économique et sociale ne connaît pas de répit, et les
Tunisiens qui réclament du travail et du pain reçoivent des coups de
matraque et des gaz, généreusement distribués par la police de l’ancien
régime (détestée de tous et équipée par la France), que le gouvernement
bondieusard utilise sans sourciller contre les manifestants. Ce
gouvernement couvre aussi les activités des bandes de voyous salafistes
qui terrorisent les citoyens pour imposer leurs pratiques moyenâgeuses
dans la vie quotidienne.

Ce sont ces fascistes que l’on soupçonne d’avoir tué Belaïd. Heureusement,
la réaction populaire à ce crime est à la hauteur. Grève générale,
policiers et islamistes rossés dans les rues : le peuple relève la tête,
et les cafards intégristes filent sous le tapis. À l’heure où nous mettons
sous presse, la panique est au sommet et la confusion règne. Le Premier
ministre se propose, contre l’avis de son propre parti, de former un
nouveau gouvernement, remplaçant la théocratie par la technocratie.

Le peuple fait trembler le pouvoir. Situation à rapprocher de celle de
l’Égypte, où, après un processus similaire (chute de la dictature, rapide
promotion des partis religieux, décomposition du pouvoir sous l’effet de
la crise), les classes populaires sont aussi au combat. Ce qui semble
indiquer que, contre l’attente des racistes et des réactionnaires, les
peuples de l’autre côté de la Méditerranée, non seulement n’ont pas
grand-chose à nous envier quant à l’appétit pour la liberté, mais aussi
qu’ils pourraient nous en apprendre beaucoup sur les chemins de
l’émancipation.

Souhaitons que ces routes nous sachions tous les arpenter, en nous défiant
de la tentation du pouvoir d’État. Car rien de beau, grand et libre ne
sera fait que la classe ouvrière n’accomplira elle-même, par ses
organisations syndicales ou spontanées, sans l’intermédiaire des
politiciens.

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