dimanche 31 mars 2013

La FA, un outil pour la transmission de l'idéal libertaire.


Avant d'entrer dans le vif du sujet, il est bon de rappeler qu'aujourd'hui encore, la famille continue de jouer un rôle déterminant dans la transmission des orientations idéologiques des individus. Comme leurs parents, en règle générale, les jeunes choisissent souvent le même bord politique.
Si l'on rentre un peu plus dans le détail, il semble évident que la continuité ou la rupture existent au sein de toutes les familles. Mais à savoir qui des deux prend le pas n'est pas chose aisée. Ce qui semble pourtant un peu plus évident, c'est que l'individu vient à l'anarchie par la pertinence des idées, des méthodes, des valeurs qui en découlent.  
Alors petit à petit, tout ce que l'individu apprend, il se met à l'assumer. Assumer l'Histoire de tous ceux et de toutes celles qui ont pensé l'anarchie, qui ont permis de ne pas en faire un dogme, mais quelquechose de malléable, de changeable, de réactualisable. 
Et c'est bien là le paradoxe de la transmission. 
Un auteur comme Régis Debray a écrit dans son livre "Les enjeux et les moyens de la transmission", Nantes, Pleins feux, 2000, p 20-22 : 
"La transmission fait advenir le passé dans le présent….(elle) permet à un message de perdurer en se transformant…La transmission est un transport qui transforme."
Mais transmettre pour qui, pour quoi ? Dans quel cadre l'individu est prêt à croire qu'il peut permettre aux idées anarchistes de s'actualiser, de se faire siennes, et faire ne sorte qu'elles soient admises par le plus grand nombre ? Penser qu'à deux, qu'à plusieurs nous sommes plus forts, nous travaillons pour le développement des idées plus efficacement ? Penser que tout le prolétariat est capable d'adhérer à nos idées et pas seulement quelques-uns ? Dès lors, l'adhésion à une organisation anarchiste, libertaire comme la FA, se fait naturellement car elle permet cette transmission d'un idéal libertaire. Cette nécessaire affiliation - fédéralisation - permet la continuité pour que le (re)nouveau soit possible. 
Seulement voilà, le fait que cette organisation soit devenue une "institution" au fil des ans n'est pas du goût de tout le monde. Alors certain.e.s la dénigrent, de l'extérieur, de l'intérieur. Pourtant, sa nécessité dépasse le cadre, car sans "institutionnalisation", pas de transmission. Le fait que perdurent des oeuvres comme la radio, l'hebdomadaire, Publico qui est pour l'instant une librairie, montrent bien la volonté de s'ancrer dans le temps et l'espace pour une organisation anarchiste.
Alors, consolidation ou destruction ?
Un auteur comme P. Legendre a écrit : "Ce qui précède ne peut se confondre avec ce qui suit, et ce qui suit ne peut effacer ce qui précède…". 
Une organisation comme la FA se doit par conséquent d'être en constant changement, car pour bien transmettre, il faut savoir bien évoluer. Mais pour permettre celle-ci, il faut consolider le bâti, et ainsi à n'importe quelle occasion ne pas l'abattre ! Que les anarchistes autonomes aient pour but la destruction de la FA se comprend. Anti-institutionnels ils sont, et ils le resteront. Mais les socialistes libertaires, les communistes libertaires, les anarcho-syndicalistes ont toutes leurs places dans une organisation telle que la FA. 
Car lorsque l'on adhère, l'on croit savoir ce que l'on peut apporter au collectif : le partage de ses informations, de ses compétences : l'adhésion aux Principes de base, avec le paiement de ses cotisations, et si l'on désire, l'abonnement au journal de l'organisation; la présence aux réunions internes, externes, aux manifestations, tout ceci non obligatoires évidemment, mais recommandées car formatrices en tout point.  Mais l'on ne sait que très peu, c'est ce que l'organisation peut apporter à l'individu : son Histoire; l'enrichissement par la confrontation dans le respect de l'altérité; une vision commune non dogmatique mise en perspective par le fédéralisme; la Fraternité même si quelquefois la vie la met entre parenthèses; un développement personnel grâce à des matériaux qui vont façonner l'individu que nous allons être; la discrétion sur son adhésion à l'organisation, nécessaire quelquefois.
S'éparpiller ou se serrer les coudes ?
Nous sommes tous d'accord pour dire que les temps à venir vont devenir difficiles pour des militant.e.s révolutionnaires. Il devient nécessaire de faire corps, ensemble, ici et maintenant. Que des adhérent.e.s et/ou militant.e.s du PG, du PC, des Verts ou dans des organisations syndicales se disent anarchistes, ou proches de la 1ère Internationale, peut paraître anecdotique mais pourtant ils/elles ont fait le choix de militer dans une autre organisation. Parce qu'ils/elles ont mal vécu leur passage dans la FA, parce que les antagonismes y étaient trop fort, parce qu'ils/elles s'attendaient à autre chose...
Pourtant, les temps sont venus de se serrer les coudes, de travailler encore et encore à l'Unité avec les autres organisations libertaires, de débaucher d'ailleurs pour cet autre qu'est la FA. Car ces individu.e.s n'ont jamais perdu l'idéal qui était le leur pendant des années. Il suffit juste de rallumer la lumière ! Mais pourquoi feraient-ils/elles ce pas, me direz-vous ? 
Parce qu'après le désenchantement vient le temps du ré-enchantement ! Et parce que la FA doit devenir cet outil qui fait envie d'adhérer, de transmettre.

Parce que c'est la seule organisation en capacité de transmettre cet idéal. 

Parce que nous voulons une organisation de masse. 

Parce que l'anarchisme social en a besoin.


Skull

vendredi 29 mars 2013

[Travail] Brève réflexion sur le stress et la souffrance psychique au travail

Article paru sur le site "Les carnets singuliers

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Stress et souffrance psychique

Le stress

Définir le « stress » est une tâche complexe, tant cette notion peut se révéler polymorphe. La naissance de la notion de stress est habituellement liée aux recherches de Hans Seyle. Dans les années 1930, ce chercheur met en évidence, à partir d'expériences portant sur des rats, que des agressions de natures différentes (traumatismes, brûlures, rayons X, etc.) déclenchent des réactions physiologiques identiques. Il en vient à décrire un syndrome, qu'il nommera Syndrome Général d'Adaptation (SGA).
Le SGA est l'ensemble des réponses non spécifiques (c'est-à-dire indépendantes de la nature de l'agent stresseur), provoquées par un agent agressif physique. Ce syndrome se caractérise ensuite par une cascade de réactions biochimiques, en mobilisant les systèmes nerveux, hormonal et immunitaire de la personne. Schématiquement, ces réactions visent à rétablir l'équilibre de l'organisme menacé par l'agent agressif. Les différentes étapes du SGA sont la phase d'alerte, de résistance et enfin d'épuisement (avec le « burn out »).
Mais il semble délicat de vouloir transposer purement et simplement ces réactions à l'homme pour définir ce qu'il ressent en termes de mal-être. Si le concept de stress a été travaillé sous un angle plus cognitif et psychologique, comme « une relation entre une personne donnée et un environnement donné dans laquelle l'individu considère que les sollicitations de l'environnement mettent à l'épreuve ou dépassent ses capacités d'ajustement » (Roques, 1999), la question de la souffrance psychique apparaît s'inscrire dans un champ plus large et plus complexe.

La souffrance psychique

Le concept de souffrance psychique décrit un état de mal être, lié, par exemple, à l’ennui, la monotonie, la peur, l’anxiété, l’angoisse, la déception, l’insatisfaction, la colère, etc. Il traduit également la perte du plaisir, de la coopération, de la solidarité et de la convivialité au travail (Dejours, 1987). La souffrance psychique apparaît comme à la fois différente de la douleur, inévitable et comme réminiscence.

    La souffrance , différente de la douleur

Comme le souligne P. Ricoeur, douleur et souffrance n'occupent pas la même place : on dit « j'ai une douleur », mais « je suis souffrant », en marquant ainsi l'exogénéité de la douleur, en opposition à l'immixtion de la souffrance au plus intime de l'Etre (P. Ricoeur, 1994). Alors que la douleur est une perception soudaine et imprévisible, la souffrance implique une notion de durée et de compromis. Souffrir, c'est endurer, éprouver, supporter. Autant la douleur ne peut se traduire que par le cri, autant la souffrance ouvre la voie de la plainte. Si elle ne peut cependant être complètement détachée de la douleur, elle en est l’histoire, et toute douleur qui ne meurt pas est appelée à devenir souffrance (M. Gros et G. Lanteri Laura, 1996).

    La souffrance psychique est inévitable

Une première forme de souffrance est liée à la rencontre avec l'impuissance devant certains aspects de la vie, les limites, les pertes inévitables et les séparations (par les choix qu'elle nous impose). « Vivre, c'est non seulement rechercher le bonheur, mais également affronter toutes sortes de souffrances liées à des pertes, des désillusions, des séparations, des sacrifices et des renoncements » (A. Ferrant, 2007). Le problème est alors de savoir à partir de quel moment cette souffrance devient intolérable.

    La souffrance psychique est réminiscence

Une seconde forme de souffrance est plus profonde et ne se limite pas à la confrontation avec les difficultés de la vie. La frustration ressentie à un moment donné face à une impossibilité de satisfaire un désir ne suffit pas, loin de là, à provoquer de la souffrance psychique telle que nous la définissons. Cette souffrance est relative à la réminiscence de souvenirs enfouis, qu'une situation présente va actualiser. C'est à propos de l'hystérie que S. Freud note « l'hystérique souffre de réminiscence ». Freud généralisera cette notion à l'ensemble de la souffrance psychique, y compris la psychose. Autrement dit, un moment du passé, insuffisamment intégré ou traumatique, vient hanter le présent. Les symptômes viennent dire ce retour d'un pan de notre vie subjective antérieure, récente ou archaïque, ils sont une forme de mémoire qui ne se connaît pas comme telle.

Souffrance et vie psychique

La vie psychique de chaque sujet est faite de conflits internes, de confrontations entre les désirs, pulsions, les contraintes et les interdits (ce qui a été intériorisé en termes de conduites et de pensées répréhensibles ou non) ; entre ce que nous voudrions faire ou être et ce que nous pensons être en capacité de faire ou d'être ; entre ce que nous pensons être, ce que nous retourne réflexivement les autres et ce que les situations nous font vivre et/ou revivre de notre passé...
C'est à partir de la pulsion que vont pouvoir être décrits les différents aspects de la vie psychique. Le point de vue économique qualifie tout ce qui se rapporte à l’hypothèse selon laquelle les processus psychiques consistent en la circulation et la répartition d’une énergie qualifiable (énergie pulsionnelle), c’est-à-dire susceptible d’augmentation, de diminution, d’équivalence.
D'un point de vue topique, le traitement des conflits implique que la psyché soit conduite à refouler ou à éconduire, d'une manière ou d'une autre, certaines motions pulsionnelles, c'est-à-dire la manière dont la pulsion se manifeste. La psyché peut alors être décrite schématiquement comme formée de différents lieux où les contenus psychiques ne sont pas traités de la même manière : le Ça, (réservoir pulsionnel de notre psychisme, régi par les processus primaires et le principe de plaisir, ignorant les jugements de valeur et la temporalité), le Surmoi (« représentant des exigences éthiques de l’homme » selon S. Freud, qui résulte de l’intériorisation des images idéalisées des parents, de sa propre relation avec ses parents, des règles et lois parentales et sociales), le Moi (médiateur entre les exigences pulsionnelles du Ça, le monde extérieur et les contraintes du Surmoi, fonctionnant sur le registre du principe de réalité qu'il cherche à substituer au principe de plaisir). A ces instances se rajoutent celles de l'Idéal du moi, modèle auquel le sujet cherche à se conformer, distincte du surmoi qui est instance interdictrice (J. Laplanche et J-B Pontalis, 1967) et du Moi idéal (correspondant à un idéal narcissique de toute-puissance).
D'un point de vue dynamique, les pulsions vont pouvoir rentrer en conflit les unes avec les autres, ou avec le Moi et le Surmoi, ou avec certaines parties de ces instances. « Ces conflits contraignent la psyché à trouver des « solutions », des compromis, à composer avec les différents mouvements et intérêts psychiques » (R. Roussillon et al, 2007, p. 27). Le symptôme exprimera ce processus conflictuel entre instances : tandis que dans la névrose, le Moi, obéissant aux exigences de la réalité (et du Surmoi) refoule les revendications pulsionnelles, il se produit tout d'abord dans la psychose une rupture entre le Moi et la réalité qui laisse le Moi sous l'emprise du Ça. Dans un second temps, celui du délire, le Moi reconstruirait une nouvelle réalité, conforme aux désirs du Ça » (J. Laplanche et J-B- Pontalis, 1967).
Ainsi, selon les points de vue économique et dynamique, les sollicitations psychiques, qu'elles soient internes ou externes, sont toujours génératrices de tensions, que l'individu doit gérer et pour lesquelles il « cherche » des voies de décharge (psychiques, motrices ou viscérales). Comme le décrit Christophe Dejours, le sujet, en prise avec une poussée agressive peut fabriquer des fantasmes agressifs (et ces représentations mentales peuvent éventuellement suffire à décharger l'essentiel de la tension intérieure puisque leur production est elle-même consommatrice d'énergie pulsionnelle. Si le sujet ne parvient pas à la détente par ce moyen, il a la possibilité d'utiliser une voie psychomotrice (crise de colère, fuite, passage à l'acte agressif, violence...). Quand ces deux voies ne peuvent être utilisées, l'énergie pulsionnelle ne peut se décharger que par la voie du système nerveux autonome et par le dérèglement des fonctions somatiques. C'est la voie « viscérale », celle qui est à l'oeuvre dans le processus de somatisation (C. Dejours, 1993).
Un quatrième point de vue peut également être défini : c'est le point de vue « génétique ». Il va s’entendre comme l’analyse des stades libidinaux de développement, les différents investissements des pulsions partielles orales, anales, phalliques étant associés à des étapes successives du développement de l’enfant (Abraham, 1924).

Investissement et retournement en souffrance

La question de l'investissement apparaît alors centrale, car c'est elle qui commande le sens. En effet, « ce qui attire l'attention de la psyché, c'est ce qu'elle investit, et elle l'investit en fonction de la pulsion. Il y a donc de ce qui se passe, et la manière dont ce qui se passe est investi, dont cela devient « signifiant » pour la psyché. Ainsi la perception, la réalité extérieure doivent-elles être « pulsionnalisées », investies par la pulsion pour prendre sens » (R. Roussillon, A. Ciccone, 2007,  p. 29).
Autrement dit, tout être humain, pour vivre en société parmi ses semblables, pour faire « partie du monde », doit investir des objets, que ces objets soient d'autres personnes ou des groupes, institutions, organisations, des idées ou des métiers...
Dans l'espace de socialisation que constitue le monde du travail, plus le sujet trouve à y transposer la poursuite de ses désirs, à y pulsionnaliser sa réalité, ses rapports aux autres, plus le travail pourra être source de plaisir. Mais lorsque les contraintes, les « organisations impossibles » et paradoxales confrontent l'individu à l'impuissance, au non-sens, au sentiment de dévalorisation, l'investissement peut se retourner alors en souffrance. Tout comme lorsque les sollicitations (internes ou externes) exigent un travail psychique trop important, en désorganisant les mécanismes de défense que l'individu avait parfois difficilement développés. Le travail de la pensée ne parvient plus à lier les excitations pour les rendre supportables. Si la situation dépasse les capacités de traitement liées à ces modalités de défense, le sujet peut alors décompenser.
Comme le note A. Ferrant, la souffrance psychique devient pathologique lorsque le sujet n'a pas trouvé de miroir, d'écoute et de réceptacle lui permettant de traiter, de transformer et donc de symboliser ce qui est en attente d'inscription psychique. « Nous souffrons de ce qui est bloqué psychiquement » (A. Ferrant, 2007). En même temps qu'il s'épuise à évacuer ces tensions, le sujet n'est plus capable de penser et de subjectiver. C'est le « je n'arrive même plus à penser ! », formulé fréquemment lors des stages sur le stress que j'ai eu l'occasion d'animer à plusieurs reprises.

RD le 13 mars 2013

mardi 26 mars 2013

Editorial du Monde Libertaire # 1701 du 28 Mars au 3 Avril 2013

Tous ceux qui de près ou de loin ont eu à travailler pour un patron savent
ce qu’est l’Inspection du travail. Issue des voeux du CNL après la
Libération, elle remplit de multiples missions profitables aux salariés :
Contrôler l’application de la réglementation du travail lors de conflits
collectifs, conseiller et informer les employeurs, les salariés et les
représentants du personnel sur leurs droits et obligations. La Direction
générale du travail (DGT) doit trancher en matière de harcèlement moral,
harcèlement sexuel, discrimination, violence au travail, gestion des
grèves, sanctions disciplinaires, conflits en matière de représentants du
personnel, etc. Vaste programme!

Chaque département est divisé en sections d’inspection du travail
déterminées en fonction des effectifs des salariés. Comme le reconnaît
lui-même le site de la DGT, « il est difficile pour un salarié ou un
employeur de se faire conseiller dans les meilleurs délais par
l’Inspection du travail ; en effet celle-ci ne dispose que de 427
inspecteurs du travail et 815 contrôleurs, soit 1250 agents de contrôle
pour 15 millions de salariés du privé…» Comme on le voit, en cette période
de délinquance patronale où l’on profite à qui mieux mieux de la fable de
la Crise pour délocaliser, fermer ou déménager à la cloche de bois, la DGT
a du pain sur la planche.

Mais c’est encore trop et Jean-Denis Combrexelle, son actuel et inamovible
directeur, a su persuader notre ministre du Travail de réorganiser cette
entreprise de justice sociale obsolète et coûteuse. Son projet est brutal
et significatif : supprimer les permanences locales ouvertes au profit de
plateformes téléphoniques centrales et déshumanisées, «éclater » les
postes des inspecteurs et contrôleurs du travail, insuffler par le haut
des « actions prioritaires » et une «politique travail » par le biais des
Direccte – usines à gaz centralisées complètement déconnectées des
plaintes des salariés. En clair, rogner l’autonomie des inspecteurs,
transformer le service en simple guichet au profit des entreprises et
vider de son contenu l’un des derniers remparts à la voracité et au
cynisme financier des entreprises.

Ça sent le (Michel) sapin pour la DGT. Le Code du travail est dans le
collimateur, ils ont juré d’avoir sa peau. Les décideurs ne s’embarrassent
plus de titatas et ne prennent même plus la peine d’avancer masqués. Que
les politiciens au pouvoir – qu’ils se disent de «droite» ou de «gauche» –
 soient les valets crevant de trouille des riches, des banques et du
Medef est plus que jamais une évidence. Et, plus que jamais, seule la rue
peut en contrer le pouvoir.

mercredi 20 mars 2013

Editorial du Monde Libertaire # 1700 du 21 au 27 Mars 2013

Dans un drôle de bouquin, Le Nouveau Vieux Monde, Perry Anderson se penche
sur cet OVNI politique qu’est l’Union européenne (UE). Souhaitée fédérale
par Jean Monnet mais voulue Europe des nations par de Gaulle, elle n’est
ni l’un ni l’autre: chargée de « détrôner la politique et la mettre hors
de portée électorale », elle constitue un véritable « déni de démocratie »
; le pouvoir législatif s’y trouve concentré « dans des organismes non
élus mais possédant le pouvoir exécutif (La Commission et le Conseil) et
le pouvoir judiciaire (la Cour du Luxembourg) ». Ce « droit communautaire
foisonnant » et opaque est tenu éloigné des peuples afin de réduire à
néant les pouvoirs de décision des assemblées nationales élues.

De même, la Cour de justice depuis 2007 s’emploie à rendre presque
impossible aux syndicats de barrer la route aux appétits surréalistes des
marchés. Pour Anderson, en démocratie, la décision du peuple est « le
point central du pouvoir politique », mais « rien de tel dans l’UE ». Les
consultations populaires sont bafouées, comme le référendum de 2005 en
France sur le traité européen. L’UE c’est « une liberté économique
illimitée pour les classes dirigeantes et un recul énorme des droits des
travailleurs et de la démocratie ».

Geoffroy Geuens, l’auteur de La Finance imaginaire se montre aussi sévère.
Pour lui, au sein des gouvernements nationaux, de la Commission européenne
et de la Banque mondiale, les dirigeants ne sont pas influencés par des
lobbies, mais bien directement issus ou intimement liés au monde des
affaires. Geoffroy se gausse des titatas des belles âmes qui vont répétant
qu’« au départ, l’Europe était un beau projet, et qu’il a été perverti ».
En fait, « les financiers sont au coeur même du projet de l’Europe » et de
sa réalisation, « le ver est dans le fruit ». À preuve les carrières des
diverses grosses têtes européennes tel Jean Monnet, marchand d’alcool puis
proche des banques et du groupe Lazare. (Sources : revue Agone n°50 et
Fakir).

Corruption et pouvoirs occultes, c’est la tête de l’UE qui sent la mort.
Tout comme les gouvernants des États, qu’elle se propose de réunir, qui
sont eux aussi les jouets des classes possédantes, même quand la prétendue
«gauche» est au pouvoir. Quantification de la nature et des hommes,
apologie du fric et de la lutte de tous contre tous, viol du Droit du
travail, ringardisation du syndicalisme, du collectif et du solidaire,
instauration généralisée d’«austérités» sadiques et contreproductives,
telles sont les nouvelles valeurs de ce gang des riches. Dès lors quoi
d’étonnant à ce que les pousse-mégots milliardaires de la malbouffe
industrielle garnissent sans vergogne les raviolis-à-pauvres avec les
balayures des ateliers de boucherie.

mardi 19 mars 2013

[Villeurbanne] Pétition contre fermeture maternité Tonkin et possible licenciement de 33 personnes

Voici la pétition en ligne mise en place contre la fermeture de la clinique du Tonkin, et le possible licenciement de plus de 30 personnes travaillant dans la structure.
Possible car pour l'instant, des solutions sont en passe - nous l'espérons - d'être trouvées !
Soyons nombreux/euses à signer cette pétition, d'autres mobilisations sont à venir, et nous vous tiendrons au courant.

la pétition en ligne se trouve dans le lien suivant :

http://www.mesopinions.com/petition/sante/fermeture-maternite-tonkin/9823

Le fédéralisme libertaire, un aspect central du projet libertaire !

Fédéralisme libertaire et fédéralisme institutionnel

Le fédéralisme d'État... un fédéralisme tronqué ! - Malheureusement, lorsqu'ils entendent parler de fédéralisme, la plupart des gens pensent d'abord au Canada, aux Etats-Unis, à la Suisse ou, même si c'est moins connu, à l'Australie, à l'Inde...
Dans ces pays, la fonction du « fédéralisme » a été de gérer l'intégration de diversités pour assurer la cohésion des systèmes de domination, et dans le seul but, bien entendu, de satisfaire aux intérêts de la bourgeoisie. Il n'est donc pas surprenant que le « fédéralisme », illustré par ces exemples, ne déclenche pas l'enthousiasme des foules, qu'il ne soit pas assimilé à la perspective d'un grand changement et qu'il ne paraisse guère « révolutionnaire » ! Mais parler de « fédéralisme », à propos des États que nous avons cité, semble bien mal approprié! En effet, leur pratique du fédéralisme est très relative. Dans leur cas, il s'agit d'une unité réalisée entre des États – « provinces », entre des entités politiques, qui elles-mêmes, ne sont pas organisées sur un principe fédéral : elles se veulent « égales » entre elles, mais ignorent toute égalité dans leur organisation interne. Il s'agit d'un « fédéralisme » extrêmement parcellaire, conçu comme une stratégie d'encadrement étatique mais certainement pas comme un schéma d'organisation sociale.
A contrario, le fédéralisme libertaire est pensé dans une dimension intégrale; l'ensemble de la société, dans tous les domaines, doit fonctionner sur le mode fédéraliste.
Il est donc une réponse essentielle de l'anarchisme à la question sociale, à savoir : comment une société pourrait-elle se structurer politiquement sans État? Comment pourrions-nous coordonner les diverses activités économiques (de production et de répartition) après avoir rompu avec le capitalisme et plus généralement avec tout système marchand?

Le principe fédératif libertaire

Le fédéralisme libertaire repose grosso modo sur quatre principes élémentaires : la libre association, l'égalité économique et sociale (qui nous renverra à l'abolition de la propriété privé), l'autonomie des groupes et des collectivités, la prise de décision par l'unanimité ou par le vote « direct », sans délégation de pouvoir.

La libre association

Le principe de la libre association avait été énoncé par Stirner en 1844. Stirner est considéré comme le premier anarchiste individualiste bien qu'il fut un philosophe et non un militant. Si Stirner peut être sévèrement critiqué pour son individualisme forcené et idéaliste, précisons tout de même que sa pensée était en partie sociale : il considérait que l'individu, unique, avait continuellement besoin des autres pour exister et pour se valoriser. L'émancipation de l'individu passait par le développement de son « égoïsme », au sens où il ne devait plus se référer à des causes supérieures (comme « Dieu » ou « l'État ») mais comprendre qu'il était lui-même sa seule raison d'être. Il imagine des associations d' «égoïstes », débarrassées des chefs et des exploiteurs et se coordonnant pour produire ce dont ces « égoïstes » ont besoin. Le communisme libertaire a permis de dépasser cette conception étroite de l'organisation « communautaire », tout en conservant et en intégrant le principe de libre association dans son projet sociétaire.

Égalité et propriété

Pour qu'un contrat ou un accord soit passé librement entre deux individus ou deux groupes, il faut par définition, qu'aucun des protagonistes ne soit en position de subordination vis-àvis de l'autre. Or, on ne peut espérer construire une société sans classe, sans abolir la propriété privée.
Pour éviter toute confusion, il s'agit de socialiser les moyens de production et de distribution, c'est-à-dire des structures sociales collectives et non de mettre chaque produit « en commun ».
D'une part, nous sommes pour que tout individu dispose à sa guise des biens de consommation, de son logement, dont il veut faire usage. S'il ne peut accumuler des biens pour en faire commerce, nul ne doit pouvoir décider à sa place de ce qu'il doit consommer ou pas.
D'autre part, si nous employons le terme de socialisation et non celui de collectivisation, c'est parce qu'il y a une nuance d'importance entre les deux. La collectivisation reviendrait à accepter l'appropriation d'une entreprise par des individus qui y travaillent : chaque groupe de producteurs serait propriétaire de son outil de production et pourrait ainsi en retirer du profit aux dépends des groupes propriétaires les moins « compétitifs »; ce serait l'avènement d'un « capitalisme populaire », incompatible avec nos exigences de liberté et d'égalité. Par contre, la socialisation implique que les outils de production et de distribution soient réellement la propriété de tous et non de groupes particuliers : c'est l'ensemble de la société qui dispose de ces outils, mis, pourrait-on dire, en « gérance »; si des individus s'associent librement pour produire, c'est dans le cadre d'un contrat social et non pour former une puissance privée dont ils auraient l'usufruit.

Autonomie et structures sociales

À ne pas confondre avec l'autarcie, l'autonomie des individus et des « collectifs » correspond à leur liberté de choix; dans notre idée, la commune, qui serait une unité de base dans une société libertaire, n'aurait pas pour objet d'être un bloc, seul face au « reste du monde ». La fonction de la commune libertaire serait d'être un lieu de coordination (d'autogestion) des activités sociales, nécessaires à la vie quotidienne des individus vivant dans un même lieu géographique : le logement, le transport, la distribution des biens de consommation, la sécurité civile, la médecine de proximité ou encore la régulation des conflits...
La commune ne pourrait fonctionner qu'en se fédérant à d'autres communes, pour ses « échanges » permanents ou pour des réalisations ponctuelles (grands travaux, par exemple). Ensuite, la commune ne pourrait être la seule application du fédéralisme. Pour la production, des réseaux doivent se structurer par branches professionnelles , secteurs d'activités (les fédérations de producteurs). De même, la société fédéraliste doit intégrer toutes les autres formes d'associations et de regroupement pouvant émerger de la vie sociale : organisations et mouvements politiques, associations et organismes culturels...
Un processus décisionnel de tendance « unanimiste » - Là encore, il faut s'entendre sur ce que nous mettons derrière cette expression. Si nous pensions que la moindre action devrait être décidée à l'unanimité, il est certain que nous condamnerions la société à l'immobilisme et à la mort!
L'unanimité cela signifie que dans une société libertaire, un réseau fédéré agirait, non pas en fonction d'une politique décidée par une majorité de la population, c'est-à-dire en suivant une règle imposée démocratiquement, mais, premièrement, en fonction de ses propres choix et, deuxièmement, en fonction des règles qu'il aurait volontairement établies avec les autres réseaux fédérés. Autrement dit, aucune fédération, quelle que soit sa taille, ne serait forcée d'appliquer une décision à laquelle elle se serait opposée. Par exemple, une commune ne pourrait se voir contrainte, par « référendum », de construire une nouvelle usine. Les motivations et les choix « d'investissements » ne peuvent se décréter. Aux fédérations d'étudier les besoins sociaux, de réfléchir aux différentes possibilités de les satisfaire et de trouver des terrains d'accord, par la négociation et les compromis. L'ensemble de ces « paroles » constitueraient une diplomatie politico-sociale d'où émergerait une dynamique de fédérations d'autonomie.
Certains ne manqueront pas de nous rétorquer qu'un tel mode de fonctionnement déboucherait sur un chaos généralisé, « chacun faisant ce qu'il lui plaît ».
La réponse est aisée : d'abord, la règle majoritaire n'apporte aucune solution réelle et durable aux conflits et aux désaccords, elle ne fait que trancher en enterrant des oppositions qui rejailliront forcément de plus belle. Ensuite, comme nous ne sommes pas tout à fait idiots, nous concevons parfaitement que des décisions, liées à des problèmes de gestion courante, puissent être prises par le vote (avec toutes les modalités possibles : majorité simple, majorité des trois quarts, puis des deux tiers...). Une commune ne va pas épiloguer des jours et des jours pour décider si oui ou non la rue « X » va devenir piétonne!
L'important est de parvenir à hiérarchiser les problèmes car on ne peut décider de la même façon la construction d'une centrale nucléaire ou la rénovation d'un parc de logement! Chaque question doit être traitée en rapport avec l'ampleur des enjeux existants.
L'essentiel est de garantir la possibilité de mener des débats publics dignes de ce nom, que chacun puisse disposer de toutes les informations nécessaires pour se faire son opinion, et de respecter les veto des minorités. Ceci dit, une société libertaire serait traversée de multiples conflits, comme n'importe quelle autre société. Aucun système juridique, aucun « protocole institutionnel », aucun système de prise de décision, aussi perfectionné soit-il, ne pourra éviter la confrontation d'idées ou d'idéologies divergentes et gommer, d'un coup de baguette magique, les rapports de force. Mais aussi imparfaite qu'elle soit, la conception fédéraliste libertaire, au regard d'expériences historiques, comme celle de la Révolution espagnole de 1936 ou de la Commune de Paris de 1871, vaut déjà mille fois mieux que la mascarade démocratique.

dimanche 17 mars 2013

[Syndicalisme] 50° Congrès de la CGT : 2 textes pour tenter de comprendre les enjeux



Réflexions autour de la seconde résolution
Cinq grands problèmes dans ce texte conduisent à se dire qu’il est impossible de voter pour et difficile de voter contre ! Sauf à voter contre tout ce qui manque… Signalons que la version courte de la résolution, celle qui sera votée, est elle carrément vide de substance.
1) Premier problème, qui se généralise depuis quelques années dans les documents de la CGT, l’utilisation d’un discours pseudo-intellectuel qui complique la lecture, embrouille les propos, floute les principes. Jusqu’à l’invention de concepts nouveaux qui n’apportent rien ; ni à la compréhension du mode de production capitaliste, ni à la lutte des classes, ni à la société future que la CGT conserve dans ses objectifs affichés.
Ainsi « la rémunération du capital a pris le pas sur la valorisation du travail ». Comme si c’était nouveau ! Comme si nos parents étaient mieux traités que les actionnaires de leur époque ! Comme si ce n’était là le moteur même de l’exploitation capitaliste que l’on n’ose plus franchement nommer !
Ainsi autour du « développement humain durable » les militants sont invités à investir  « le travail » ? Si c’était dit pour se moquer des permanents syndicaux qui ont oublié l’usine ça serait drôle… Non c’est pour « promouvoir la démocratie sociale » ce qui suppose « des possibilités d’intervention dans la stratégie et la gestion des entreprises ».
Toutes ces approximations donnent pour de nombreux passages une possible double lecture : avec des lunettes rouges on pourrait encore y croire. Mais avec des lunettes roses les gages sont donnés au Medef d’un syndicalisme responsable. Comme quoi la bascule dans le syndicalisme d’accompagnement n’est toujours pas achevée dans la maison CGT. Mais s’il n’est pas clairement avouable il est bien en filigrane !
2) Deuxième problème. Si l’ensemble du texte relève correctement les reculs accumulés par les défaites successives subies par le monde du travail, il fait comme si tout allait bien, comme si nous allions accumuler dans les prochaines années de nouvelles victoires partielles et progressives. Ce faisant il ne répond pas au problème immédiat : comment on arrête la casse ! Et laisse les syndiqués désarmés. Comme si nous étions toujours dans les Trente Glorieuses, il est proposé de gagner « petit à petit, droit après droit ». Et pour qu’il soit bien clair que la direction est contre la grève générale il est précisé : « non pas une mais des négociations, non pas une mais des lois sociales ». D’ailleurs « la CGT mène depuis dix ans une bataille acharnée pour la défense et le développement des activités industrielles et de l’emploi » ! Les équipes syndicales abandonnées à elles mêmes cherchant à construire des convergences malgré l’inertie fédérale et confédérale apprécieront…
3) Découle ici un troisième problème : en énonçant des objectifs hélas parfaitement inaccessibles le texte accumule des revendications contradictoires entre elles. Et laisse les syndiqués sans boussole. Ainsi « nous revendiquons un socle commun de droits individuels transférables, garantis collectivement et opposables ». Bel et bon un renforcement du Code du Travail vers un statut unifié des travailleurs ! Mais alors comment les conventions collectives améliorent-elles encore la situation des salariés d’une branche ? Elles doivent se borner à apporter un « complément professionnel ». Sauf qu’en promettant un super mais inaccessible statut unique on va laisser liquider les conventions collectives qui améliorent aujourd’hui bien au-delà des « compléments professionnels » la situation sociale des salariés travaillant dans une branche où les luttes ont arraché des concessions aux patrons, aboutissant c’est vrai à des inégalités de statut entre branches d’activités. Des acquis (maladies, congés etc…) qui n’ont rien à voir avec le « professionnel » et que jusqu’ici nous considérions comme autant de points d’appui pour les branches les plus faibles. Alors qu’ici on est pas loin de dénoncer le corporatisme de quelquesuns…
On retrouve la même contradiction par exemple avec la place de la Sécurité sociale et celle des mutuelles.
4) Quatrième problème le texte verse dans l’angélisme d’un Etat providence qu’il faudrait restaurer. Comme si les politiques de l’Etat n’étaient dictées par les besoins des capitalistes  que le gouvernement soit de droite ou de gauche! « Il faut réinventer et refonder l’Etat stratège » nous disent les nostalgiques du gaullisme ! « Il ne s’agit pas condamner toute aide aux entreprises » en oubliant qu’il s’agit d’aides aux capitalistes et non pas aux travailleurs…
5) Le dernier problème avec ce texte c’est évidemment ses manques. Son blanc sur la stratégie des luttes, le niveau des luttes nécessaires à atteindre pour pouvoir gagner sur les revendications posées. Et puis tout plein de petits oublis qui pourraient faire une liste à la Prévert : l’absence de dénonciation de l’annualisation et de la flexibilité sur les 35h. L’absence d’un nouveau palier indispensable vers les 30h au vu du chômage de masse et des progrès de la productivité. L’absence de référence à la durée de cotisation pour les retraites. L’absence d’un droit de véto des salariés parmi les « droits d’intervention ». Rien sur le nucléaire ni du point de vue écologique ni même du point de vue économique…
En conclusion une résolution qui contresigne le tournant « moderniste » de la direction confédérale. Alors disons que le programme revendicatif, comme la convergence des luttes contre les licenciements, nous le bâtirons nous-mêmes dans le feu des combats !
 Jean-Yves Lesage, 93
membre de la Commission exécutive du Syndicat Général du Livre CGT (sglce-cgt)

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50ème congrès : sortir la CGT de l’impasse !
Reconstruire par le bas.
Les comités syndicalistes révolutionnaires se définissent comme une tendance syndicale dont le but n’est pas de se substituer aux syndicats mais de contribuer à alimenter le débat nécessaire dans toutes nos structures syndicales.
Notre projet est cohérent parce qu’il est basé sur la nécessaire reconquête d’outils syndicaux permettant au syndicalisme confédéré de passer à l’offensive contre le capital : syndicalisme interprofessionnel (renforcement et développement des UL), syndicalisme d’industrie (création et renforcement de syndicats de branche locaux pour faire vraiment vivre les statuts : pas de syndiqué sans syndicat), sociabilité prolétarienne (sports, loisirs, culture, consommation anticapitaliste, logement, etc.) par l’animation d’associations, de mutuelle et de coopératives agissant sur tous ces terrains mais liées au mouvement syndical.
Une stratégie qui veut donc renouer avec les racines de la CGT, avec ses fondements politiques.
Ce sont ces outils, coordonné au sein de la confédération, qui prépareront demain l’offensive nécessaire pour se débarrasser du capitalisme et qui permettront au prolétariat de construire, enfin, le Socialisme : le syndicat comme organe de pouvoir et de gestion d’une société sans exploitation et sans discrimination.
En 2009, pour la préparation du 49ème congrès confédéral, notre courant s’était exprimé avec un réel optimisme. Le document de congrès exprimait une certaine prise de conscience de la crise que traversait notre confédération. Des résolutions proposaient des solutions concrètes pour répondre à cette crise.
Malheureusement, la majorité des militants, des syndicats et des responsables de fédérations et d’UD ne se sont pas emparés de ces résolutions.
C’est une toute autre politique qui a été suivie, la politique de l’autruche !
Une prise de conscience superficielle
Le 48ème congrès avait tiré un bilan de la fragilisation de nos Unions Locales. Le 49ème congrès faisait le même constat pour la majorité des syndicats CGT. Cette prise de conscience était d’autant plus importante que notre organisation était sur le point, comme chacun le savait, d’engager une bataille fondamentale, celle des retraites. Ainsi les deux derniers congrès confédéraux avaient marqué une véritable avancée dans le constat.
On pouvait donc s’attendre à ce que nos structures se réorganisent rapidement pour se préparer à la bataille. L’urgence était donc à programmer les assemblées générales ou les congrès de syndicats (résolution 4 du dernier congrès). C’était l’occasion d’unifier cette multitude de petits syndicats désorganisés et isolés dans des syndicats professionnels locaux bien plus forts. C’était l’occasion de les impliquer dans leur Union Locale et donc préparer la future mobilisation dans les territoires. C’était l’occasion de reformer des équipes militantes soudées, fonctionnant réellement sur une base collective. C’était surtout l’occasion de se rappeler que la CGT n’a jamais eu vocation à s’enfermer dans le syndicalisme d’entreprise. Bref c’était l’occasion de regrouper ses forces, de les réorganiser en vue d’une bataille de classe fondamentale.
Rien de tout cela ne fut fait ! La défaite était donc programmée.
La grève est ainsi restée isolée, là où il existait des syndicats réellement implantés. Ailleurs, la grève fut un mythe, les manifestations rassemblant des travailleurs en RTT, en heures de délégations, en congés ainsi que des étudiants et des retraités. Les cortèges étaient imposants mais ne regroupaient que des individus non organisés car non confédérés. Or une grève générale c’est tout l’inverse d’une masse de protestataires désorganisés.
La CGT sous-traite sa stratégie aux politiciens
Malgré l’évidence de nos carences pour gagner une bataille revendicative essentielle, la CGT continua alors de fonctionner comme avant. Chacun se replia sur la petite routine de son mandat syndical et de ses institutions représentatives du personnel.
Aucun bilan ne fut donc tiré de la défaite des retraites. Ce qui aurait permis un débat sur la stratégie des luttes : comment faire pour gagner la prochaine fois ? Quels outils syndicaux nous font défaut ? Et maintenant nous sommes face à une nouvelle vague de licenciements, de désespérance, et d’austérité et nous n’avons fait aucun pas en avant !
Les résolutions du 49ème congrès furent vite oubliées et la nouvelle actualité fut imposée par les échéances politiciennes. La précipitation à soutenir des candidats à l’élection présidentielle fut d’autant plus importante que chaque syndicat était dans l’incapacité de produire lui-même une réflexion politique. Quand l’organisation syndicale ne réfléchit plus, elle est automatiquement attirée par les démagogues.
On assista donc à un grand moment de bouffonnerie. Des syndicalistes qui font campagne pour des gens qui sont sensés représenter le monde du travail, en l’occurrence des candidats qui ont du travailler 6 mois dans leur vie !
Comment est-on tombé aussi bas ? Tout simplement parce que nous avons abandonné cette culture du travail qui était le ciment idéologique de la Confédération Générale du Travail depuis ses origines. La CGT représentait le monde du travail face aux parasites. Elle collectivisait les connaissances des producteurs. Ces connaissances devaient permettre de transformer les rapports de production, c'est-à-dire de permettre aux travailleurs de gérer les usines et les services.
Aujourd’hui cette dignité ouvrière est abandonnée. On préfère soutenir la campagne électorale d’un énarque ou bien celle d’un vieux sénateur social-démocrate pris d’une subite hystérie gauchiste. Les militants de la CGT ne croient plus en eux-mêmes, ne croient plus en leur classe. Ils en sont réduits à aller demander à des notables de changer la société à leur place.
Après les élections bourgeoises, les élections confédérales !
Certains responsables eurent le courage d’exprimer des doutes sur la « gouvernance » confédérale. Des responsables d’Unions Départementales et de Fédérations soulignèrent que
les modalités de décisions respectaient de moins en moins le fédéralisme. Que le Bureau confédéral était sous la pression permanente de « conseillers » et « d’experts » qui n’avaient pas été élus par les structures légitimes.
Cette petite caste menacée fit alors tout son possible pour imposer la désignation comme prochain(e) successeur de Bernard Thibault d’une personnalité docile. La majorité des Unions Départementales et des Fédérations refusa ce passage en force.
On aurait pu penser que ce conflit allait redonner une culture du débat et de l’autocritique dans nos rangs. Ceci n’est malheureusement pas le cas. Quelques promesses ont été faites discrètement sur les pratiques démocratiques de la future « direction » confédérale. Ces promesses ont servi à rassurer bien des UD et des Fédérations et à présenter une unité de façade lors d’un dernier CCN décisionnaire sur la succession. Ce ralliement fut certainement trop précipité car des responsables nationaux, jugés pas assez dociles, ont été entre temps évincés.
Nous nous inquiétons du poids grandissant des opportunistes qui ne pensent qu’à se placer en échange d’une extrême docilité. Ce ne sont pas les seuls à avoir gravi les échelons confédéraux en s’appuyant plus sur leur soumission que sur leur expérience syndicale. Mais l’augmentation de ce type de responsables a pour conséquence de désorganiser la maison confédérale, de rendre des structures totalement inefficaces car gérées par des incompétents notoires.
Nous nous inquiétons également de la stratégie de repli de nombreuses UD et Fédérations sur le champ territorial ou professionnel. Les forces centrifuges deviennent très fortes et la démoralisation et le repli sur soi créent une atmosphère de tensions internes et de conflits entre de nombreuses structures.
L’urgence est de relancer le débat stratégique dans la confédération. Non pas par la polémique et par l’insulte, mais en renouant avec le débat fraternel à tous les niveaux de l’organisation.
Retrouver nos repères et nos outils syndicaux
Le 50ème congrès doit être tout sauf une commémoration ou un congrès de façade ne servant qu’à introniser un nouveau secrétaire général. L’état de santé de la confédération nous apparaît tellement préoccupant qu’il n’est pas possible de persévérer dans la politique de l’autruche.
Or les documents de congrès vont bel et bien dans ce sens. Les textes se satisfont de « l’évolution » de la CGT et se limitent à proposer d’intensifier les efforts. Nous pensons au contraire que la CGT doit réaliser sa révolution interne en sortant de sa routine.
La CGT continue de se retrancher sur ses bastions traditionnels avec pour seuls outils de défense les statuts et l’Etat providence. Malgré les beaux textes votés en congrès, la majorité des militants se refuse à voir la réalité du salariat du XXIème siècle. Les salariés des grandes entreprises et des services publics sont désormais très minoritaires. La défense du statut est perçue comme un mot d’ordre dépassé, lié aux « Trente Glorieuses » (1945-1975). Cela ne correspond pas au vécu des jeunes travailleurs. Ce statut (celui de la fonction publique comme celui des grandes entreprises ou des services publics qui ont été nationalisés) ne peut plus être défendu comme il l’a été jusqu’aujourd’hui : ni avec les mêmes arguments ni avec les mêmes perspectives.
Cette déconnexion d’avec la réalité inquiète les responsables CGT et les empêche d’aller à la syndicalisation de la jeunesse. La campagne pour les TPE en a été la démonstration. Dans les grandes UD, aucun effort réel n’a été entrepris dans ce sens, malgré les beaux discours sur la jeunesse, le salariat féminin, la précarité, etc.
Cette incapacité à s’adresser au « nouveau » prolétariat vient d’un problème d’organisation. Pendant les « Trente Glorieuses », la CGT s’est réorganisée sur la base du syndicat d’entreprise. Elle s’est donc focalisée sur le salariat à statut en laissant de côté le reste du salariat. Elle a donc marginalisé les conventions collectives au profit des statuts et des NAO.
Mais depuis les années 1970 la bourgeoisie a changé de mode de gestion de la main d’oeuvre. Selon le modèle toyotiste, elle a explosé les équipes de travail en développant la filialisation, l’externalisation, la sous-traitance, l’intérim, le salariat détaché et les contrats précaires.
Dans la CGT, les syndicats d’entreprise ont été créés avec l’illusion que la majorité des travailleurs allait intégrer les services publics ou une grande entreprise. C’est tout l’inverse qui s’est produit ! Les syndicats d’entreprise ne sont donc pas en capacité d’intégrer les jeunes travailleurs à la CGT. La CGT est une véritable passoire où ce salariat adhère et s’en va sans pouvoir s’impliquer dans la vie de l’organisation. Et les cas ne sont pas rares où ce salariat n’arrive même pas à se syndiquer à la CGT !
Le rapport d’activité (page 12) n’hésite pas à détailler cette réalité. Sur les 2 778 adhésions individuelles réalisées sur le site confédéral, seuls 400 de ces nouveaux adhérents ont pu trouver un syndicat d’accueil ! Comment expliquer une telle situation alors que le 49ème congrès avait décidé que chaque syndicat devait tenir un congrès ou une assemblée générale afin de définir son champ de syndicalisation (resté limité à une entreprise ou élargir les adhésions au-delà de l’entreprise) avant décembre 2011 !
Très peu de syndicats ont appliqué les décisions de congrès. La raison est évidente : la grande majorité des 24 000 syndicats de la CGT (pages 13 : « 50% des bases ont moins de 10 syndiqués ») n’ont même plus les forces ou le savoir-faire pour convoquer une assemblée générale. La plupart n’ont plus aucune activité collective et se limitent à envoyer des élus aux réunions DP et CE, sans les mandats du peu d’adhérents qui restent.
Tout le monde le sait, mais c’est encore la même politique de l’autruche.
Car les UD et les Fédérations avaient également la responsabilité d’aider à l’organisation de ces congrès et assemblées générales. Quelles sont celles qui ont réellement appliqué le mandat ?
Les constats faits aux 48ème et 49ème congrès confédéraux étaient primordiaux. Quand donc les points d’étape ont été sérieusement faits et débattus par les deux organismes directeurs principaux de la CGT que sont la direction confédérale (la CE) et le CCN ? Quand donc la sonnette d’alarme a été tirée et l’implication de tous ces dirigeants exigée pour l’application des importantes résolutions sur les syndicats votées au 49ème congrès ? Voilà le principal bilan de la direction confédérale sortante ainsi que celui de nombreuses directions de fédérations et d’UD.
Pourtant, dans les Fédérations du Commerce-Services et de la Construction-Bois-Ameublement, les expériences de syndicats professionnels et de site ont été couronnées de succès.
Ailleurs, on se retrouve donc dans la situation de 2009 avec une CGT passoire, avec 80 000 adhérents de la CGT qui n’ont pas de syndicats, c’est à dire ne sont pas syndiqués ! On nage en plein délire et cela ne choque personne au quotidien et on continue de nous parler de syndicalisation, de qualité de vie syndicale, de la perspective du million de syndiqués, etc.
On marche sur la tête. Et c’est cette mascarade que nous propose le document d’orientation.
Le 50ème congrès : reconstruire la CGT par le bas
Alors oui on pourrait se limiter à dénoncer l’orientation politique de la CGT ou attaquer violemment la « bureaucratie ». On pourrait se faire plaisir comme malheureusement beaucoup de camarades « oppositionnels » le font.
Mais la situation nous apparaît trop grave pour perdre notre temps. Car tous ces discours radicaux n’ont aucun sens tant que la CGT ne retrouvera pas un fonctionnement
démocratique et fédéraliste, c’est à dire si ces débats sont réellement portés par les syndiqués et non pas par une poignée de dirigeants.
Cette « qualité de vie syndicale » n’est possible que si elle repose sur des syndicats qui fonctionnent. C’est à dire des syndicats qui ont assez de militants formés pour animer de vrais bureaux, de vraies commissions exécutives, de s’investir dans leur UL-UD et dans l’activité de leur fédération, mais aussi de débattre de stratégie et donc de définir un projet de société.
Nous le disons clairement : 6 délégués et 4 adhérents dans une entreprise, ça ne s’appelle pas un syndicat mais une amicale ! De quelles forces dispose-t-on dans cette situation ? La politique se limite à parler des problèmes de la boite et de temps à autre, de citer Che Guevara, Melenchon ou Besancenot pour se faire plaisir. Mais personne n’est dupe, on se limite en fait à résister à son patron sans vraiment remettre en cause la gestion patronale, ni dans l’entreprise, ni au niveau de la société capitaliste.
Cette capacité à combattre le capitalisme, à définir une stratégie à partir d’un projet de société, on ne l’obtient qu’avec un puissant syndicat réellement intégré à ses UL-UD et à sa fédération. C'est-à-dire un syndicat en situation de mener véritablement une politique offensive.
Cette contradiction est flagrante dans le travail réalisé par des syndicats, des UL, des UD et des fédérations sur la question industrielle. Ce travail riche et important a mis en lumière le manque de coordination entre toutes ces structures, la réelle difficulté à y impliquer les syndiqués. Or les propositions avancées ne passeront pas le cap du papier si elles ne rencontrent pas les outils syndicaux adaptés pour passer à l’offensive comme nous y invitent ces mêmes propositions. Elles ne pourront pas modifier le réel. C’est l’outil qui manque à l’esprit de la démarche engagée contre la désindustrialisation.
Depuis les années 1920 nous sommes pollués par l’idéalisme, c'est-à-dire par la croyance que la politique se mène principalement au niveau des idées : c’est à celui qui saura le mieux manier les mots, les concepts, les brillantes analyses, etc.
Comme les fondateurs de la CGT, nous pensons tout l’inverse. Nous sommes des matérialistes et nous estimons donc que les idées sont le produit des conditions matérielles. Une organisation qui dysfonctionne ne peut produire que des réflexions qui manquent d’impact social réel, c'est-à-dire qui ne modifient pas réellement le rapport des forces. Quand des idées justes s’emparent des travailleurs, que ceux-ci se les approprient alors ces idées deviennent des forces matérielles, des forces réelles qui changent la société et donc les conditions de vie des travailleurs.
Le problème fondamental de la CGT ne réside pas dans ses idées (ses revendications, ses arguments, etc.). Il réside dans le fait que la désorganisation, la faiblesse des structures syndicales et leur décalage face à la réalité du prolétariat (constats faits lors du 49ème congrès) font que ces idées ne peuvent se transformer en force matérielle agissante sur la réalité sociale vécue par les travailleurs. Nous n’avons pas, nous n’avons plus, l’outil suffisamment efficace pour cela. C’est ce qui explique la pauvreté des débats dans notre confédération. Cela devrait tracer la feuille de route de toute direction syndicale dans la CGT : du syndicat, de l’UL, de l’UD, de la fédération, de la confédération.
Ceci est vrai pour la stratégie, la réflexion, l’organisation et la vie démocratique de la confédération. La maison confédérale ne repose pas sur la personnalité de quelques grands dirigeants, comme les médias bourgeois tentent de nous le faire croire. La maison confédérale repose sur ses fondations : les syndicats confédérés.
Si les syndicats sont fragiles et instables, comme c’est actuellement le cas, les fondations s’affaissent. Elles emportent avec elles les piliers (les UL, UD et fédérations) et la maison confédérale.
C’est cette situation matérielle que nous constatons dans notre action quotidienne. Très peu de structures fonctionnent convenablement, à tous les niveaux.
La priorité est à l’application des décisions prises au 48ème congrès (renforcer les UL) et surtout du 49ème congrès (concernant les syndicats).
Nous devons stabiliser et renforcer nos fondations. C’est cela « reconstruire la CGT par le bas ». C’est cela qui lui garantira de garder son caractère de classe. La richesse et la tradition militantes dans la CGT sont des atouts d’une grande valeur pour y arriver.
Nous appelons tous les militants de la CGT à se poser, à réfléchir sans faux fuyant à l’état réel du prolétariat, à l’état réel des outils syndicaux où ils militent, à débattre collectivement maintenant, sans tarder, à cela. Car là résident selon nous les coordonnées principales de l’issue de la lutte des classes. Si ce travail collectif de réflexion et d’action pour « reconstruire notre CGT par le bas » est vraiment engagé, alors oui, la peur va changer de camp !
Nous appelons donc tous les militants de la CGT à faire respecter les décisions de congrès, c'est-à-dire à convoquer des assemblées générales ou des congrès de réorganisation de leur syndicat. L’urgence est à sortir du syndicalisme d’entreprise, de s’ouvrir sur le reste de la classe, c'est-à-dire à reconfédérer son syndicat dans la CGT. Que ce 50ème congrès soit le moment de dire « stop ! Maintenant sortons de l’impasse ».
Comités Syndicalistes Révolutionnaires (CSR)
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pris sur le site http://communisteslibertairescgt.over-blog.net


    samedi 16 mars 2013

    [Syndicalisme] Les trains victimes de la neige...ou du libéralisme ?

    Paru dans "CAP AU SUD", le bulletin syndical d'information de Sud Rail Lyon 
    Édition mars 2013
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    Ces derniers jours, le trafic ferroviaire a été très perturbé, de nombreux trains ont été supprimés, des dessertes n’ont pas été assurées, les horaires n’ont pas été respectés. SUD-Rail n'ignore pas les difficultés liées au froid et aux chutes de neige. Les cheminots ont l'habitude de ce type de conditions, ils et elles exercent un travail pénible, dangereux mais utile à la collectivité. C'est le service public.

    C’est ce service public que les précédents gouvernements se sont acharnés à détruire, année après année. Bien hypocrites sont les « responsables » politiques qui font mine de s’étonner des difficultés qu’ils et elles ont ainsi créées.
    Depuis des années, les directions de la SNCF et de RFF ainsi que les gouvernements successifs, ont d'autres préoccupations que le service public : il faut « être plus rentable, faire des économies, être compétitifs, améliorer la compétitivité »,...
    En réalité, il s'agit d'accroître l'exploitation de celles et ceux qui travaillent, de celles et ceux qui font tourner l'économie, de celles et ceux qui ne cessent de faire croître la richesse du pays, et se font voler le produit collectif de leur travail par une minorité.

    S'agissant de services publics, nous constatons que rentabilité, économies, etc... ont des conséquences pour les usagers. Il n'y a plus assez de personnel pour entretenir et faire fonctionner correctement le réchauffage des aiguillages, pour nettoyer les quais, pour entretenir les voies, quand les opérations de maintenance des trains sont de plus en plus espacées, quand le réseau et les infrastructures sont quasiment laissés à l'abandon durant des années, ... Alors les campagnes de propagande, même rebaptisées « communication », ne font plus illusion ... les trains ne roulent plus !

    SUD-Rail salue le travail des cheminotes et des cheminots : une fois de plus, leur disponibilité montre ce qu’est le service public ferroviaire.
    L’état dans lequel les patrons de la SNCF ont mis cette entreprise ne facilité guère les choses : dans bien des endroits le matériel de base manque pour déneiger et remettre en état les installations, les informations utiles ont du mal à circuler, certains dirigeants poursuivent dans de telles circonstances leurs pratiques répressives et idiotes (ordres, contre-ordres, menaces, ... là où il faut initiatives, autonomie, confiance, responsabilité, comme le font la majorité des cheminots et cheminotes de tous grades et de toutes fonctions).

    SUD-Rail partage la colère des usagers confrontés à un service public ferroviaire qui, au moindre évènement, n’a plus les moyens de fonctionner. Nous avons besoin de trains non supprimés, à l’heure, de cheminots au service des usagers dans les gares et dans les trains, d’un service public ferroviaire capable d’assurer sa mission même s’il neige en hiver, même s’il fait chaud en été, même s’il y a des feuilles mortes en automne.
    Le gouvernement a décidé une réforme de l’organisation du système ferroviaire : c’est le moment pour les usagers et pour tous les travailleurs du rail de faire entendre leurs exigences ! 

    jeudi 14 mars 2013

    Habent papam…


    Le nouveau pape, “François Ier”, a été élu ce mercredi soir. Il s’agit du cardinal Jorge Bergoglio. L’Eglise catholique, après avoir imposé un pape Benoît XVI, très conservateur, a donc choisi un pape sud-américain, un argentin plus précisément.
    Bergoglio est un homme réputé d’origine modeste et au train de vie modeste ; nombre de médias se complaisent à clamer qu’il vit dans un appartement, qu’il se déplace en métro et qu’il fait sa cuisine tout seul. Si cela suffit à le rendre saint, alors les milliards de prolos que compte la planète sont une armée de saints… Bref Bergoglio, qui annonce vouloir “lutter contre la pauvreté”, est annoncé par les médias comme humble et proche des pauvres. Le nom même de “François”, que Bergoglio s’est choisi, se rapporte d’ailleurs au fondateur de l’ordre des franciscains, ordre de moines mendiants fondé au Moyen-Âge. Nombre de chefs d’Etat ont donc, comme il se doit salué cette élection (dont Hollande, comme nous le verrons plus loin). Les médias ont évoqué un tournant possible au sein d’une Eglise passablement passéiste.
    Mais l’Eglise a-t-elle vraiment décidé de tourner la page du conservatisme en nommant un sud-américain ? On peut en effet y voir aussi un enjeu stratégique, pour récupérer une population sud-américaine délaissant de plus en plus l’Eglise catholique, pour se tourner vers les églises protestantes qui pullulent. Cette préoccupation se traduit bien chez ce nouveau pape, qui avait vitupéré dès septembre dernier contre les prêtres refusant de faire baptiser les jeunes enfants nés hors-mariage.
    En réalité, le parcours de ce jésuite n’est pas franchement celui d’un réformateur. Le nouveau pape se traîne même de sacrées casseroles !
    Si celui-ci se déclare contre le libéralisme, il a de fait toujours combattu (tout comme son prédécesseur Benoît XVI) la théologie de la libération, un courant progressiste et “social” de l’Eglise catholique sud-américaine, inspiré en partie par le marxisme. ”L’apolitisme” de la compagnie de Jésus, revendiqué par Bergoglio, est à géométrie très variable…
    Ce n’est pas tout. Pendant la dictature des généraux en Argentine, ayant fait 30.000 morts, Bergoglio n’a jamais dénoncé les crimes des généraux… à l’image de l’institution catholique argentine, qui fut clairement complice de la dictature. Un autre Jorge, le général dictateur Videla, a pourtant frappé un certain nombre de prêtres engagés dans la théologie de la libération, dont des gens que Bergoglio connaissait. Botus et mouche cousue : apolitisme on vous dit ! Il faut dire que Videla déclarait vouloir restaurer “ la civilisation catholique occidentale”. Ca valait sans doute bien quelques dizaines de milliers de tortures et d’assassinats… les desseins de Dieu sont impénétrables, rendez à César ce qui est à César, tout ça tout ça.
    Même devenu évêque, Bergoglio a refusé de dénoncer la complicité flagrante de l’institution catholique. Pire, il a affirmé que les procès intentés contre des évêques catholiques accusés d’avoir participé aux séances de torture, étaient une “campagne de calomnie menée contre l’Eglise”.
    L’histoire ne s’arrête pas là. Un bouquin paru en 2005, El Silencio, révèle que Bergoglio aurait retiré sa protection à deux prêtres jésuites travaillant dans les bidonvilles, et donné son feu vert en 1976 à l’armée pour les enlever… Entendu comme témoin par des juges dans cette affaire, Bergoglio a parlé de “diffamation”, et affirmé vouloir parler sans tabous de l’Eglise sous la dictature. Pour lui, l’Eglise n’aurait rien à se reprocher, à part quelques individus isolés complices du pouvoir.
    Rappelons donc la une de ce journal, montrant Bergoglio en train de donner l’hostie… au général Videla en personne :
    Videla reçoit l'hostie de Bergoglio
    Bergoglio n’est pas un complice des fachos que sur le plan du positionnement politique. Sur le plan des libertés des homos et des femmes, ce n’est guère mieux. En 2010, Jorge Bergoglio a ainsi déclaré que l’homosexualité était “un démon infiltré dans les âmes“, et que les marches pour le mariage gay étaient de “la main du diable“… Diantre !
    Bergoglio ne s’arrête pas à de simples déclarations. C’est lui, en personne et avec une virulence toute particulière, qui a mené la fronde contre la loi légalisant le mariage homosexuel en Argentine. Ainsi que contre le droit donné aux transsexuel-le-s de changer de sexe pour l’état civil. Ou encore contre le développement de l’éducation sexuelle… De fait, le cardinal a pris la tête d’un véritable affrontement de l’Eglise catholique argentine contre Cristina Kirchner (présidente de centre-gauche). Dans cette fronde, Bergoglio (cet “ami des pauvres”) n’a d’ailleurs pas hésité à s’afficher officiellement avec les partis les plus réacs, ainsi qu’avec les patrons et les milieux d’affaires !
    On ne s’étonnera pas non plus qu’il se soit toujours farouchement opposé aux droits des femmes. Notamment à la contraception et au droit à l’avortement, toujours interdit en Argentine… sous la pression de l’Eglise.
    Tout cela n’empêche pas un autre François, le très laïque président Hollande, de proclamer dans un communiqué : “J’adresse au Pape François 1er mes félicitations les plus chaleureuses et mes voeux très sincères pour la haute mission qui vient de lui être confiée à la tête de l’Eglise catholique pour faire face aux défis du monde contemporain“. “La France, fidèle à son histoire et aux principes universels de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent son action dans Le Monde, poursuivra le dialogue confiant qu’elle a toujours entretenu avec le Saint-Siège, au service de la paix, de la justice, de la solidarité et de la dignité de l’homme“.
    Une belle leçon de solidarité entre hommes de pouvoir.
    Juanito, Pavillon Noir (FA 86), 14 mars 2013