Dans un article intitulé « Le cri du grillepain », Jérôme Porquet (Canard
enchaîné du 19 septembre 2012) brocardait une société où «les multiples
objets manufacturés (surtout en Chine) dont nous ne pouvons plus nous
passer sont délibérément conçus pour ne pas durer». « C’est étudié pour»,
ajoutait-t-il, citant Fernand Raynaud, un humoriste obsolète du XXe
siècle. Porquet concluait en rappelant que «les gadgets jetables menaient
à un monde jetable, qu’acheter de la camelote, c’était transformer ce
monde en camelote».
On en convient: quoi de plus paradoxal, inquiétant, nuisible et
dispendieux que la gabegie écologique et économique de cette «obsolescence
programmée». Quelques trop rares analystes s’en inquiètent – comme le
compagnon Jean-Pierre Tertrais dans ce présent numéro – tandis que les
partisans du néolibéralisme ambiant en défendent sournoisement le principe
sous prétexte qu’elle favorise la croissance. Croâssance qui – comme
chacun est prié de le savoir – serait nécessaire au bonheur
consuméro-capitaliste sur terre.
Benoît Hamon était interpellé ce 2 mai par un auditeur du 7/9 de France
Inter s’étonnant de sa reculade devant la demande des Verts de légiférer
pour condamner la pratique de l’usure programmée. Habilement, le ministre
délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation, a botté en
touche. Son gouvernement – contrairement aux allégations de l’auditeur –
n’avait en rien renoncé. Il n’allait pas tarder à envisager de pondre une
loi garantissant aux acheteurs d’un produit ou d’une machine un temps
pendant lequel le constructeur dudit produit sera tenu de mettre à
disposition, contre espèces sonnantes bien sûr, les pièces nécessaires au
rafistolage de son ratatine ordure ou de sa Clio.
Oubliant de rappeler les marges affriolantes pratiquées par les
constructeurs sur la moindre pièce détachée, Hamon insinuait benoîtement
que l’usure programmée, à bien y réfléchir, n’était pas si nuisible que ça
; elle favorisait la création et l’essor d’entreprises de réparation – non
délocalisables par dessus le marché – générant ainsi de la relance. Ô
Tartuffe: voilà comment dans ce monde merveilleux de titatas et de
chiffres carambouillés, tombent les faux nez et se retournent les
réalités.
Il est cependant des obsolescences programmées que les anarchistes
appellent de leurs actions et de leurs voeux: celles de la langue de bois,
des dieux et des malades de leur foi, des mandats politiques si peu
représentatifs, de la professionnalisation du politique, des cupides et
égoïstes appétits de pouvoir qui déflorent tous les groupes humains, de la
main invisible du marché, de la meurtrière théologie du capitalisme… On en
passe et des meilleures.
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